Cession de droits sociaux : quelle contrepartie financière à la clause de non-concurrence pour le cédant salarié ?
La validité de la clause de non-concurrence souscrite par un cédant de droits sociaux est subordonnée à l’existence d’une contrepartie financière réelle si l’intéressé est salarié à la date où il s’engage.
Un salarié d’une société en devient associé et signe un pacte d’associés mettant une clause de non-concurrence à la charge des associés en cas de départ. Quatre ans plus tard, il démissionne, cède ses parts sociales à la société et est embauché par une autre entreprise. La société lui reproche alors de n’avoir pas respecté la clause de non-concurrence et lui réclame la pénalité prévue par celle-ci. L’ancien salarié invoque la nullité de la clause de non-concurrence pour absence de contrepartie financière.
Une cour d’appel écarte cette nullité au motif que l’associé sortant avait expressément admis, en signant l’acte de cession de ses parts sociales que la contrepartie de la clause de non-concurrence était comprise dans le prix de cession des parts, de sorte qu’il ne pouvait plus en contester l’existence.
Tel n’est pas le raisonnement de la Cour de cassation, qui censure l’arrêt d’appel. Une clause de non-concurrence prévue à l’occasion de la cession de droits sociaux, qu’elle soit insérée à l’acte lui-même ou dans un pacte d’associés, est licite à l’égard des associés qui la souscrivent dès lors qu’elle est limitée dans le temps et dans l’espace, et proportionnée aux intérêts légitimes à protéger. Sa validité est en outre subordonnée à l’existence d’une contrepartie financière dans le cas où ces associés avaient, à la date de leur engagement, la qualité de salariés de la société qu’ils se sont engagés à ne pas concurrencer. La cour d’appel aurait dû rechercher, comme il lui incombait, si la contrepartie financière de la clause litigieuse était réelle.
À noter
Application d’un principe connu et mise en évidence d’une problématique qui l’est moins.
En cas de cession de droits sociaux assortie d’une clause de non-concurrence à la charge du cédant, la chambre commerciale de la Cour de cassation a déjà ajouté aux conditions habituelles de validité d’une telle clause (limitation dans le temps et dans l’espace et proportionnalité aux intérêts à protéger) l’exigence d’une contrepartie financière si le cédant a, à la date de son engagement, la qualité de salarié de la société qu’il s’interdit de concurrencer (Cass. com. 15-3-2011 no 10-13.824 ; Cass. com. 23-6-2021 no 19-24.488 ; Cass. com. 17-9-2025 no 24-14.883). Ce faisant, la chambre commerciale s’est alignée sur la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation imposant une contrepartie financière à la clause de non-concurrence figurant dans un contrat de travail (jurisprudence constante depuis 2002).
Cependant, au regard de la jurisprudence, la pratique qui consiste à inclure la contrepartie financière de non-concurrence souscrite par un cédant salarié dans le prix de cession des droits sociaux présente des risques ; elle est plutôt déconseillée dans la mesure où le prix de cession est avant tout la contrepartie du transfert de propriété des droits sociaux.
Cass. com. 5-11-2025 n° 23-16.431
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